Numéro 10

Lucas Morneau ×
Maeve Hanna

 

Lucas Morneau, Queer Newfoundland Hockey League (QNHL), 2021–ongoing. Courtoisie de l’artiste.

 

Voici les cartes à collectionner de la Ligue de hockey queer de Terre-Neuve !

Collectionnez-les toutes ! Découvrez les statistiques de vos joueur·euse·s préféré·e·s et voyez si vos étoiles sont alignées.

Fondée en 2021, la LHQTN est venue au monde dans les écologies queers enfouies sous des siècles de substrat conscient. Accueillant à bras ouverts la lueur cristalline de la culture queer qui miroite secrètement partout dans la province, les équipes de la LHQTN sont devenues un terreau fertile pour la souveraineté queer, la gaieté décomplexée au nom du sport, et tout ce que le merveilleux monde 2SLGBTQIA+ a à offrir. Tout comme le puissant mouvement des plaques tectoniques qui a déferlé lorsque le monde est sorti du placard, la LHQTN grondait souterrainement pendant des siècles avant que le fond océanique ne se rompe, dévoilant un gouffre luisant dont a jailli toute une parade scintillante.

Les véritables origines de la LHQTN sont un peu mystérieuses. La seule chose que l’on sait avec certitude, c’est que la LHQTN est ici, qu’elle est queer et qu’elle est là pour R E S T E R !

À présent que vous salivez d’anticipation, rencontrons certain·e·s des pétards charismatiques qui perfectionnent leur jeu sur la glace et qui se laissent aller à leurs lubies les plus queers sur la terre ferme.


NOM : Siobhan O’Connell
PRONOMS: iel/elle ; BEAUTÉ/FATALE.
ÉQUIPE : Ferryland Fairies [Les feluettes de Ferryland]
VILLE : Ferryland, Terre-Neuve
POSITION : Gardien·ne
SOLEIL : Verseau. Un·e Verseau vraiment typique. Je déverse de l’eau et répands la vie sur les terres ! Plif-plouf, baby !
LUNE : Scorpion, la bitch sexy et ténébreuse originelle.
ASCENDANT : Poisson. Les vrais savent.
À PROPOS DE MOI : Moi = ceci, les cheveux en moins  :

Elle était assise là, avec son extraordinaire visage de Pierrot austère, son crâne à la forme bizarre, un peu cubiste, allongé, avec ses cheveux noirs corbeau. Je l’adorais, parce qu’elle était un masque. Ça, combiné à sa sensibilité, littéraire et scrupuleuse, faisait qu’elle était pour moi l’essence même du Verseau, une porte à tambour qui n’arrête jamais.

Mes ancêtres proviennent du territoire des fées et des trèfles à quatre feuilles, ils et elles ont traversé la mer il y a très longtemps et ont accosté en Islande, où mon arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grand-mère a appris l’art de converser avec les húldufólk – le peuple caché. Ce savoir ancestral me permet d’être vite sur mes patins et de tenir le gros bout du bâton, et il m’empêche de niaiser avec la puck. Si je veux pas ta rondelle dans mon filet, ça passera pas. Pour celleux qui ne lisent pas l’astrologie : mon soleil, ma lune et mon ascendant signifient que je suis un peu aérien·ne, pas mal aqueux·se et très, très mystérieux·se et sexy. Les fées sont toujours avec moi. Je suis comme les icebergs qui dérivent dans le port de Ferryland – vous ne voyez que ma pointe, il y a tant de choses sous la surface que vous ne pouvez même pas imaginer ! Mon ampleur est à couper le souffle.

LECTURE EN COURS : Nevada d’Imogen Binnie et How Far the Light Reaches de Sabrina Imbler. C’est de la prose fucking lumineuse, trans, non binaire, genderqueer et révolutionnaire.
OBJET LE PLUS PRÉCIEUX : Ma toute première cassette, The Lion and the Cobra de Sinéad O’Connor.
HYMNE PERSONNELLE : « Nothing Compares 2U » de la regrettée et féroce Sinéad O’Connor (duh) ; je trippe aussi un peu sur Enya – que voulez-vous, c’est comme ça.
ALTER EGO POKÉMON : Feunard ou Draco ; tellement chics, tellement moi ! 

Lucas Morneau, Queer Newfoundland Hockey League (QNHL), 2021–ongoing. Courtoisie de l’artiste.

 

NOM : Roísín Fagan
PRONOMS : elle/iel, mort·e/vivant·e
ÉQUIPE : Fogo Island Fag Hags [Les fifis de l’île Fogo]
VILLE : Old Perlican, Terre-Neuve
POSITION : Ailière gauche
SOLEIL : Capricorne
LUNE : Cancer
ASCENDANT : Cancer – oufff, un paysage stellaire complexe, queer et goth. Un bébé sukhurmashu têtu, un crustacé sentimental avec une double carapace en Teflon.
À PROPOS DE MOI : BOUH ! Prononcez mal mon nom et je vous jetterai un sort. Je suis renommé·e dans la ligue pour mon lancer frappé assassin, un talent que j’ai développé après avoir reçu la visite de la Succube. La Succube m’est apparue une seule fois, dans la nuit. Comme le veut la légende, c’était une nuit de tempête, le vent hurlait, la pluie tambourinait sur les carreaux en forme de diamant des fenêtres de ma chambre. Je me suis réveillé·e et je l’ai aperçue, assise sur ma poitrine. Elle m’écrasait de tout son poids, m’étouffait. La femme fantôme n’était pas un membre de ma famille ; elle était séduisante et toute de cuir vêtue, sortie tout droit d’un fantasme de domination. Au début, elle s’est contentée de me dévisager, accroupie sur ma poitrine. Mais ensuite, elle s’est redressée, a placé le talon aiguille de sa botte de cuir verni qui lui remontait jusqu’à la cuisse juste au-dessus de mon cœur, comme une aiguille menaçant de le percer. Son bras s’est transformé en bâton de hockey et elle s’est mise à m’assener des coups comme si ma tête était une rondelle et qu’elle faisait des tirs frappés au but. Encore et encore et encore elle m’a tabassé·e, si fort que j’ai eu le coup du lapin. Le lendemain matin, je me suis réveillé·e et je me suis inscrit·e dans l’équipe. À bien y repenser, cette Succube doit être à l’origine de mon alter ego dominatrix.
LECTURE EN COURS : On Hell et Minerva the Miscarriage of the Brain de Johanna Hedva
OBJET LE PLUS PRÉCIEUX : Les cendres de tous mes chats et mon rosaire fabriqué à la main, avec ses perles d’obsidienne et d’onyx noir, et une figure d’Inanna au lieu de Jésus.
HYMNE PERSONNELLE : Je sais que j’ai déjà mentionné Hedva, mais son album Black Moon Lilith in Pisces in the 4th House est le death metal queer de mes rêves. O Death, o Death !
ALTER EGO POKÉMON : Feuforêve, parce que j’absorbe et j’ingère la peur ! Mais aussi Roigada, because Sorcière.

Lucas Morneau, Queer Newfoundland Hockey League (QNHL), 2021–ongoing. Courtoisie de l’artiste.

 

NOM : Dick Butt
PRONOM : il
ÉQUIPE : Dildo Dikes [Les dykes de dildo]
VILLE : Dildo, Terre-Neuve
POSITION : Attaquant
SOLEIL : Taureau, légèrement têtu.
LUNE : Vierge. Ouain, légèrement têtu.
ASCENDANT : Balance… et indécis.
À PROPOS DE MOI : Je suis un Dildonien classique, un petit dandy de Dildo. J’ai grandi à Dildo Tip, au bas de la baie de Trinity. Un divin petit dandy de Dildo. Je suis attaquant dans la plupart des parties, mais en fait, je suis un switch, grâce à Johnny Bottoms et à sa blessure à l’entrejambes en 69… ou serait-ce en 96 ? Les poppers jouent bien des tours à mes cellules. En tout cas, quand Bottoms a quitté l’équipe, c’est là que j’ai commencé à vraiment pénétrer le jeu. J’aime que ça brasse de tous bords tous côtés – en haut, en bas, ici, là-bas, top, bottom, vous connaissez la chanson. Je suis polyvalent, une manière polie de dire indécis !
LECTURE EN COURS : Paul Takes the Form of a Mortal Girl d’Andrea Lawlor, et j’écoute/lis Holy Soul Jelly Roll d’Allen Ginsberg. Please master, please master, please ! Ginsberg m’écrit droit au cœur, je ne m’en lasserai jamais.
OBJET LE PLUS PRÉCIEUX : Mon exemplaire signé de I LOVE DICK de Chris Kraus.
HYMNE PERSONNELLE : Comme je suis prévisible et indécis, « Chaise Longue » de Wet Leg et « Baby Got Back » de Sir Mix-a-Lot.
ALTER EGO POKÉMON : Boustiflor, parce que, au cas où vous auriez pas remarqué, le bonhomme est juste un gros trou !

Lucas Morneau, Queer Newfoundland Hockey League (QNHL), 2021–ongoing. Courtoisie de l’artiste.

 

NOM : Fanny [Foufoune] Ryder
PRONOM : iel
ÉQUIPE : Port Union Pinkos [Les pédés de Port Union]
VILLE : Bonavista, NL
POSITION : Ailier·ère gauche
SOLEIL : Cancer – oui, c’est vrai, j’ai l’air bagarreur·euse comme ça, mais je suis le typique Soleil en Cancer : je pleure toutes les cinq minutes, tellement émotif·ve... *soupirrrr*
LUNE : Sagittaire, et en fait, je déborde d’énergie Gémeaux-Sagittaire sous tout cet écran solaire Cancer !
ASCENDANT : Vierge – d’où pensez-vous que vient la partie Ryder, sinon ?! LOLOLOL.
À PROPOS DE MOI : Je m’appelle Foufoune et j’aime les foufounes! HAHAHA. Je gagne en série mais je gagnerai pas les séries. Et je suis aussi un·e champion·ne en jokes de père ! En tant qu’ailier·ère gauche, je reste dans les marges ou en périphérie pendant la partie, et c’est là où ma nature flamboyante et grégaire me sert bien. Fanny/Foufoune n’est jamais à l’écart ! C’est mon arme secrète, tout comme tomber sur mes foufounes… vous l’aurez deviné.
LECTURE EN COURS : A Sand Book d’Ariana Reines et CUNT-UPS de Dodie Bellamy.
OBJET LE PLUS PRÉCIEUX : La collection complète sur DVD de toutes les saisons de Buffy the Vampire Slayer, en plus du film, juste pour être sûre.
HYMNE PERSONNELLE : « Dancing on My Own » de Robyn et *EN PRIME !* à cause de mon signe astrologique, Gemini de Princess Nokia.
ALTER EGO POKÉMON : Crustabri, because énorme vulve souriante ! Avec un peu de Excelangue, pour la langue de six pieds !

Traduction : Luba Markovskaia

La section en italique est tirée de Chelsea Girls, de Eileen Myles (1995), dans une traduction d’Héloïse Esquié.

 
 

Lucas Morneau (iel/il) est un·e artiste interdisciplinaire et commissaire vivant dans la région Siknikt de Mi’kma’ki – à Sackville, au Nouveau-Brunswick. Né·e sur l’île de Ktaqamtuk (Terre-Neuve), où iel a aussi grandi, Morneau a obtenu un baccalauréat en beaux-arts au Grenfell Campus de la Memorial University of Newfoundland en 2016 et une maîtrise en beaux-arts de la University of Saskatchewan en 2018. Morneau a remporté le prix BMO First Art Award pour Terre-Neuve-et-Labrador en 2016, la bourse Cox & Palmer Pivotal Point Grant en 2018 et a été finaliste au prix Scotiabank New Generations Photography Award en 2018 et en 2021. Morneau a également reçu plusieurs bourses du Conseil des arts du Canada et des organismes provinciaux ArtsNB et ArtsNL.

Maeve Hanna (elle) est une autrice queer d’ascendance coloniale, reconnaissante de vivre à Piktuk, Mi’kma’ki (Pictou, Nouvelle-Écosse), les terres sacrées et non cédées des Mi’kmaw, où se trouve la controversée usine Northern Pulp. Désormais fermée, l’usine déchargeait illégalement des rejets d’effluents non traités dans l’estuaire A’se’k (Boat Harbour), un lieu central de la vie mi’kmaw depuis des siècles. Maeve a étudié à la York University, à l’University of Leeds, à l’UQÀM et au campus islandais de la University of Manitoba. Au cours de la dernière décennie, elle a fait paraître des textes de critique d’art dans des publications canadiennes comme à l’international.